Nature Humaine (amocalypse)
Citroën 2cv et méhari>Historique>Histoire de la méhari
Première version: 13/12/2000
Dernière version: 2009-12-05
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Nous sommes en 1968, 20 ans après le salon de Paris et la présentation de la 2cv, et Citroën, une marque automobile au nom chargé d'un passé glorieux, évocateur de haute technologie, de confort, d'inventivité et d'anticonformisme, dévoile aux yeux du monde sa dernière vision de ce que doit être la voiture. En cette époque délurée, où les esprits s'échauffent à St Germain, qu'une révolution gronde et enfièvre les esprits, la méhari est présenté à la presse non pas dans un salon, mais dans son milieu naturel, le golf de Deauville, où elle démontrera ses qualités d'aventurière et sa polyvalence grâce aux neufs thèmes présentés.
La 2CV était maintenant célèbre. De nombreux dérivés (les Amis 6 et 8, les fourgonnettes, les Dyanes) avaient déjà été créés à partir de sa plate-forme multi-usage, et s'étaient eux aussi taillés leur propre réputation (l'Ami 6 symbole des Sixtie's). Ces dérivés avaient surtout amélioré le confort et les performances de la 2CV, mais il restait encore à en créer un plus amusant encore...
Souvent surnommée la "Jeep française", la Méhari tient en effet de l'Américaine des formes carrées et un look tout-terrain, tout le contraire de la 2CV. Comme elle, elle se prête bien aux routes cabossées... de la Promenade des Anglais à Nice, ou aux ballades dans l'arrière pays.
En 1967, trois hommes s'attellent à la réalisation d'une idée: poser sur une plate-forme existante des panneaux de carrosseries en plastique soutenus par un châssis tubulaire*. Le plastique apporte plusieurs avantages (teinté dans la masse donc résistant aux branches des petits chemins, ne rouille pas, revient en place après des petits chocs, léger). Les éléments plastiques sont au nombre de 11 afin de simplifier le processus de fabrication. La plate-forme sera celle de la 2CV, celle de la R4 ne convenant pas. Le prototype fut présenté à Citroën qui en accepta la commercialisation sous son nom.
Le concept initial est inspiré de la Mini-Moke, petite Jeep tirée de l'Austin Mini. Mais très vite, il s'avère que la Méhari la surclassait dans beaucoup de domaines, et empiétait sur plusieurs autres segments*, ce qui en faisait une auto inclassable. Il existait une très forte attente du public, si bien que 12 500 commandes étaient passées avant même la première livraison.
Si la voiture est surtout un utilitaire à l'origine, très vite sa vocation première sera détournée vers le véhicule de loisir. On peut en effet rouler dans une grande variété de combinaisons: véhicule entièrement clos, version plage (sans porte ni panneaux latéraux, avec ou sans le toit), version pick-up* avec juste les deux places avant fermées, et enfin version roadster*, c'est à dire sans porte, sans toit, sans pare-brise... La banquette arrière rabattue permet une capacité de chargement impressionnante par rapport à la taille de l'engin.
Véritable caméléon, ce cabriolet-utilitaire s'adapte aux besoins de tout un chacun, jusqu'aux dandy parisiens recherchant une voiture originale. Il est en effet difficile de passer inaperçu au volant de l'engin, ne serait-ce que par les couleurs vives et acidulées qu'elle arbore.
Le marché de la voiture ludique à cette époque s'avère prometteur, et les autres constructeurs proposent bientôt leur idée. Très vite c'est Renault qui décapsule sa 4L pour proposer la Plein air, dont l'échec des ventes va conduire à copier de plus près la méhari en proposant une voiture en plastique sur base 4L réalisée par Teilhol. Bien que plus puissante (jusqu'à 50 ch pour les dernières versions) son succès ne sera jamais celui de la méhari originale (gueule horrible, et inconvénients de la 4L par rapport à la 2cv (refroidissement à eau, plus lourde, moins bonne tenue de route et franchissement)).
Heuliez propose une base logique sur simca 1100 break en 1969, la saharienne
Photo extraite de http://leroux.andre.free.fr/
puis en 1980 la wind, plus fun et d'inspiration méhari, basée sur le pick-up 1100 (base VF2) et de look rancho.
Photo extraite de http://leroux.andre.free.fr/h3q11.htm
Les couleurs bleues et blanches ont-elles inspirées la méhari Azur 2 ans plus tard?
Mais jamais le constructeur de Poissy n'avalisera ces créations. Dommage, car la simca 1100 a pour elle son look rigolard, son excellente suspension confortable apte au tout chemin et de bonne tenue de route, ainsi qu'une bonne capacité d'utilitaire dans des dimensions restreintes, bref, une voiture polyvalente aussi.
A noter qu'Heuliez a aussi proposé en 1967, sur la toute jeune dyane, une version découvrable, preuve que l'époque était à ce genre de véhicule. Citroën lui préfèrera la version SEAB. Cette dyane était pourtant elle aussi bien sympa.
Photos extraites de http://leroux.andre.free.fr/h3n7.htm
La carroserie polyvalente de la méhari était déjà présente, de même que les charnières extérieures de portes avant, et le côté carré de la caisse arrière. Le jaune acatama était aussi prévu... Le côté artisanal de la bâche montre la difficulté à concevoir une bâche pratique pour des portes en plastique, difficultés toujours actuelles quand on voit les nombreuses voitures électriques de ce style en 2012.
Présentation de la méhari à Deauville, équipage Peace an Love.
L'image est saisissante et reste gravée dans l'inconscient collectif: le baba cool soixante-huitard et ses cheveux longs se réfugiant sur les reliefs de l'Ardèche ou sur le plateau du Larzac au volant de sa Méhari repeinte avec de grosses fleurs psychédéliques. Peut-être même est-ce l'image fournie par le service publicité de Citroën lors du lancement de la Méhari, avec la Méhari surnommée "Baba-cool".
Ce lancement fut une première pour le service marketing. Plusieurs journalistes furent invités à la présentation de la Méhari au golf de Deauville, le 16 mai 1968. Pas moins de 8 Méharis, chacune dans une configuration différente (Méhari baba-cool, plage, pompier, safari-chasse, armée, campagnarde, golf, belle des champs) et conduite chacune par deux jolies mannequins se ressemblant comme deux gouttes d'eau et habillées en accord avec leur voiture. Les journalistes purent ensuite essayer les possibilités tout-terrain de la voiture, et il fallut freiner les ardeurs de quelques uns trop enthousiastes. Ce lancement fut un fiasco médiatique, à cause des événements de mai 68. Mais au lieu d'en parler un mois, les journaux parlèrent de la Méhari pendant plusieurs mois, et son image fut associée à cette nouvelle liberté revendiquée par la jeunesse.
La Méhari est aussi une grande voyageuse. Déjà de grandes traversées se font à son volant, dans les traces de son aînée la 2CV. En 1970, le service relation clientèle lance les premiers grands raids avec le Paris-Kaboul-Paris, dans une course rassemblant 500 2CV et dérivées, choisies parmi 1300 demandes. Bon nombre de Méhari y participent. Les horizons lointains ne lui font pas peur, et elle a même de meilleures capacités de franchissement que la 2CV. Ces expéditions sont assez médiatisées et constituent un engouement supplémentaire.
La Méhari est aussi une sportive. Le 2CV cross, stock car de Méhari et 2CV sur des pistes défoncées au bulldozer, débutera en 1972, d'abord en France, puis en Europe, puis un peu partout dans le monde, jusqu'en Argentine. Ce spectacle, passionnant à regarder et offrant des sensations bon marché aux participants, popularise la Méhari en la montrant dans des situations extrêmes.
La Méhari a subi elle aussi les assauts de la concurrence, notamment d'une certaine Renault 4 plein air, une 4L découpée à la va vite à la disqueuse ... sortie quelques jours après la Méhari. Depuis 1964, la Mini Moke était la seule voiture loisir. Les capacités de tout-terrain de la Méhari la feront déborder sur plusieurs autres segments*, comme celui des utilitaires, des tout-terrain, du cabriolet-frime. La Méhari a su créer un créneau* dont elle reste la reine incontestée, même vis-à-vis des voitures qui l'ont suivie, comme l'actuelle Méga.
Ce qui a fait son succès dans le début des années 70, c'est sa légèreté, sa maniabilité et sa commodité. Inspirée de la Dyane, et bénéficiant donc de moteurs plus évolués que la 2CV, elle garde un appétit d'oiseau, tout en laissant sur place son ancêtre. Crise du pétrole de 73 oblige, c'est en 1974 qu'il se vendra le plus de Méhari.
A l'opposé de son image "Peace and Love", l'armée s'emparera elle aussi de ce symbole, et en commandera 10 000 exemplaires. Beaucoup d'appelés découvriront ainsi cette voiture et sauront passer agréablement, à son volant, les moments donnés à la nation. Ils testeront sa résistance avec la légendaire attention que portent les bidasses vis-à-vis du matériel militaire... et deviendront de futurs fans de la voiture. Son passage dans la gendarmerie, ainsi que son rôle à part entière dans le film "le gendarme et les extra-terrestres" en 1983 suivi du "gendarme et des gendarmettes" (dernier film de Louis de Funès) contribueront à sa popularité.
La Méhari doit aussi son succès dans son stylisme. Si son aspect choque au premier abord, elle a un petit côté humain qui la rend attachante. Les stylistes de Renault ont repris maladroitement le dessin de la Méhari sur leur Rodéo... qui semble laide sans rien pour rattraper ce défaut. Les acheteurs ne s'y sont pas trompés.
Enfin, c'est le châssis de la 2CV, formidable outil pour qui veut créer soi-même une voiture originale. Ce châssis fut utilisé pour de nombreuses transformations, dont beaucoup ne dépassèrent pas le stade de l'unique exemplaire. Sa conception en plate-forme permettant de poser dessus sans contrainte n'importe quelle carrosserie, son moteur sans radiateur à faible encombrement, ses suspensions plus qu'éprouvées, sa simplicité et fiabilité mécanique en font encore aujourd'hui le rêve de n'importe quel bricoleur, amateur ou professionnel.
C'est cette simplicité mécanique et le grand nombre de Citroën ayant le châssis de la 2CV (7 millions d'exemplaires produits) qui fait qu'aujourd'hui toutes les pièces se retrouvent facilement, et qu'il n'en coûte que 30 000 francs pour refaire à neuf une Méhari. Son prix de vente relativement élevé (jusqu'à 100 000 francs pour une des 1000 Méharis 4X4 produites) lui assure encore une longue vie sur nos routes, loin des casses dont nombre de méharis se sont échappées ces dernières années.
Les images sont changeantes. Il suffit d'une minute pour détruire une réputation que l'on a mis 40 ans à construire. Si lors de son lancement Citroën la destinait à un usage utilitaire, les utilisateurs ont vite compris le côté loisir que l'on pouvait en tirer. Le constructeur les a suivis et a ajouté à ses publicités vantant sa capacité de chargement les images d'un couple de hippies roulant sur une plage déserte. Son faible coût d'entretien en faisait une voiture de jeune. Cette image de faible consommation d'essence est restée longtemps attachée à la voiture, jusqu'à la fin des années 80, alors que l'on construisait des moteurs plus performants et moins gourmands depuis une dizaines d'années déjà. |
Son image de paix associée aux baba-cool n'a pas pâti de son utilisation militaire (pour la petite histoire, Renault (entreprise d'état comme l'armée) a essayé d'imposer sa rodéo, mais après essais l'armée à préféré la méhari) . Elle ne servait pas d'engin meurtrier, mais de liaison radio, de secours aux blessés, ... et d'essais grandeur nature par les appelés qui comme une grande partie des fonctionnaires dont ils font partie pendant leur service, n'hésitent pas à maltraiter le matériel mis à leur disposition. Une fois de retour à la vie civile, ces exploits sont maintes fois remâchés au cours de nombreuses soirées arrosées...
L'image que Citroën avait à l'époque est restée attachée à la Méhari, alors que les Citroën d'aujourd'hui n'en bénéficient plus. A partir des années 1966, avec le lancement de la R16, c'est Renault qui a progressivement récupéré l'image qu'avait Citroën au niveau de l'innovation conceptuelle (nouvelle façon de penser l'automobile) et de la notion de l'art de vivre (beaucoup pense que si Citroën n'avait été racheté par PSA, le monospace et la Twingo aurait été des Citroën). Citroën garde malgré tout l'image de l'avance technologique, notamment avec l'essieu arrière autodirectionnel* des ZX, la suspension hydropneumatique* des Xantia et XM, attachée à la notion de confort, et la Dynalto* de la Xsara, notion d'économie d'énergie.
Dans les années 80, avec le lancement de la Méhari Azur, Citroën ne misait plus que sur le coté ludique de l'engin, dans cette version destinée à la plage. Mais le constructeur ne fait plus guère d'effort pour vendre ses 2CV et Méharis, ses deux derniers modèles utilisant la désormais célèbre plate-forme rebondissante qui équipait la majorité de la production Citroën des années 70. La qualité de fabrication est telle que les dernières 2CV de 90 sont vendues neuves avec des amorces de corrosion sévère, et il n'est pas rare de voir le châssis plier en deux au bout de cinq ans. Rien de tel pour casser une image...
Aujourd'hui, la Méhari bénéficie d'un capital sympathie très fort. Comme la plupart des anciennes voitures populaires, c'est tout un passé qui resurgit quand on la croise, des anecdotes amusantes à raconter. Elle a le double statut de voiture de collection et de voiture avec laquelle on roule tous les jours. En effet les défauts propres à la voiture (corrosion, allumage mécanique, ...) ont maintenant des remèdes connus qui facilitent la vie de tous les jours. Et la mécanique est tellement solide qu'on a l'impression qu'elle nous emmènerait jusqu'au bout du monde, ce qui rassure même les plus angoissés des conducteurs.
Ce qui fait aujourd'hui de la Méhari une voiture très recherchée est sa relative rareté (on estime qu'il en reste 70 000 encore en circulation dans le monde), et le fait qu'une telle voiture ne pourra plus jamais être homologuée, normes de sécurité draconiennes obligent. En effet, comment imaginer à notre époque d'airbags latéraux* et de prétensionneurs de ceinture*, une voiture carrossée de fragile plastique, et qui n'a ni portières ni ceintures. Une fois rabattu le pare-brise, le point culminant se trouve être le volant, soit 50 bons centimètres en dessous des cheveux au vent... Mais le risque de renversement avec une Méhari est, il est vrai, extrêmement limité, tant la voiture colle à la route. Ce manque de protection enlève toute agressivité à la voiture et tranche avec les voitures modernes où l'on se sent invulnérable et parfois un peu supérieur. La Méhari ramène à l'humilité et à l'insouciance, bien qu'elle ne rechigne pas à une conduite un peu "musclée", mais toujours sans rien de prétentieux.
Aujourd'hui, la Méhari rappelle une notion que les automobilistes modernes ont oubliés: le voyage. En effet, si les voitures d'aujourd'hui sont de formidables engins pour se rendre rapidement d'un point à un autre dans le plus grand confort, le voyage en lui-même n'existe plus. L'uniformité autoroutière efface plaines et montagnes, monuments et villes traversées. La Méhari préfère prendre son temps sur les départementales ou les sentiers, découvrir au détour d'un chemin muletier à flanc de falaise un paysage oublié, visiter les villes traversées, entendre les cigales à Montélimar plutôt que les entendre une fois arrivé à Marseille. Elle permet de découvrir des produits régionaux débusqués dans une petite ferme, de rencontrer les personnages du cru, la Méhari rendant en général les gens sociables. Cette voiture ramène à une conception de l'automobile qui n'a plus tellement cours dans notre civilisation.
A la fin des années 60, la 2CV était la voiture évasion par excellence. Mais l'évolution des moeurs poussait encore à aller plus loin encore dans la liberté absolue. CITROËN l'a fait et a réussi avec la Méhari un formidable véhicule de loisir. On ne peut que regretter que la Méhari Super avec un moteur quatre cylindres n'ait jamais vu le jour, ce qui aurait pallié au seul défaut de la voiture, le manque de puissance. Malgré cela, la voiture continue de donner des sensations uniques à ses utilisateurs, et n'a pas fini de faire parler d'elle.
Depuis 1980, Citroën cherche à arrêter des modèles dont la demande est
encore forte, pour des raisons d'image de marque, de coût de fabrication,
...
Dès 82 il faut attendre presque 6 mois voir plus pour avoir une méhari
"neuve", en effet en sortie de concession la voiture à déjà l'air d'avoir
fait 1 tour de compteur, avec de la rouille et la peinture défraîchie. C'est
un concessionnaire qui me raconte l'anecdote, en racontant la honte ressentie
devant le client... Dès 85-86, il n'est pas rare de voir des châssis casser
au bout de 2 ans, Citroën offrant la plupart du temps un châssis en échange,
peut-être aussi pour écouler des stocks à durée de vie très limitée...
Les vendeurs détournent tout acheteur potentiel vers de plus lucratifs modèles de gamme supérieure.
Les prix de la deuche sont relativement élevés, suivant en cela un marché de l'occasion où la décote est faible, la deuche commençant à acquérir une valeur de mythe. A partir de 85, seuls les utilitaires (Acadiane et méhari, bien que cette dernière soit maintenant présentée dans la pub citroën comme un véhicule loisir) s'accrochent à l'indémodable deuche.
L'acadiane s'arrête bientôt.
En 1987, la méhari s'arrête elle aussi, seuls 385 exemplaires ayant été vendus cette année là (la sortie de l'AX à dû accélérer la chute des ventes, de même que les Mega, plus puissantes).
Le 27 juillet 1990, à 16h00, la dernière 2cv sort de la chaîne de montage
de l'usine de Mangualde au Portugal. C'est une 2cv Charleston gris
cormoran/gris nocturne, suivie de près par une AX rouge. C'est donc en 1991
que s'arrête les ventes de la 2cv, après plus de 40 ans de bons et loyaux
services.
De nombreux fidèles, qui achetaient depuis 20 ou 30 ans pour certains
régulièrement des 2cv neuves, se résigneront avec tristesse à devoir
choisir un autre modèle de voiture, une fois leur 2cv ayant atteint ses 10 ans
de fonctionnement.
à suivre...