Nature Humaine (amocalypse)
Citroën 2cv et méhari> Historique>Histoire de la 2cv
Première version: 13/12/2000
Dernière version: 2009-12-05
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Nous sommes donc en 1948, et Citroën, une marque automobile au nom chargé d'un passé glorieux, évocateur de haute technologie, de confort, d'inventivité et d'anti-conformisme, viens de dévoiler aux yeux du monde sa dernière vision de ce que doit être la voiture. La 2cv, car c'est d'elle qu'il s'agit, débute une longue carrière riche en péripéties.
La 2cv arrive dans une époque de crise, le gouvernement ayant décidé que Renault sortirait la voiture populaire, Peugeot et simca les voitures intermédiaires, et Citroën devant continuer à sortir sa traction, la marque devenant gênante et étant destinée à disparaitre. Faute de concurrence, les français se voit obligé d'acheter cette dernière, même si elle n'est pas tellement adaptée à la demande des acheteurs (trop petite, trop chère d'entretien et à l'achat, mauvaise suspension peu confortable et peu sûre (50% des 4cv produites les 2 premières années se retourneront), pas de coffre). La 2cv est elle étudiée pour cela, mais n'a pas le droit d'être fabriquée par Citroen...
En 1948, PJB sort en force la 2cv au salon de l'automobile. Vu la gueule du
président Vincent Auriol sur les photos, il a pas l'air content du tour de
passe passe que lui a fait Citroën (on lui a interdit de concurrencer Renault
qui fait des entrées d'argent confortable à l'état (et à ses fonctionnaires
haut placés) et il montre aux français qu'il y a mieux!), alors que le public
se masse en nombre autour de cette voiture nouvelle et rigolote. Comme par
hasard, le lendemain tous les journalistes descendront en flèche la dernière
Citroën, les médias étaient-ils déjà à l'époque à la botte de
l'état?
Ce qui est marrant c'est de voir les photos de l'époque, un stand Renault
immense avec des 4cv qu'on voit bien, vu qu'il n'y a personne autour, tous sont
regroupés en masse autour de la 2cv.
Il faudra un an pour que les premières 2cv sortent d'usine, au prix le plus
bas du marché. Les études de prix et de poids ayant été très poussées, la
4cv devient très vite obsolète question prix et technique. Mais le
gouvernement n'accorde aucun bon matière à Citroën, et les cadences de
sorties seront tellement faible les 7 années à venir que les 4 cv se vendront
quand même pas mal. Cela explique aussi la couleur grise qui sera de mise
pendant toutes les années 50.
Mais revenons au salon de 1948.
Au début, les journalistes sont septiques, nombreux sont à croire à la
plaisanterie. Lors du salon, elle sera d'abord exposée aux plaisanteries des
journalistes, qui la traiteront de "vilain petit canard", de "parapluie posé
sur quatre roues",...
Une des causes de leurs commentaires réservés serait que la voiture a
été sortie dans le plus grand secret, et aucun d'entre eux n'avait été
prévenu à l'avance. Jean Bonnet, le grand critique automobile, vexé, avait
dans "l'équipe" du 9 octobre eu cette phrase prophétique: "Quoi qu'on fasse,
la 2CV est déjà dépassée
dans l'actualité"... Il faut rappeler que "l'équipe", au début de la coupe
du monde de football 1998, critiquait violemment Aimé Jacquet et ne gageait
pas très loin du parcours de son équipe...
Un autre journaliste concluait "peut-être verrons-nous un jour cette voiture
rouler sur nos routes".
Le public, lui, ne s'y trompe pas. La 2CV sera la bombe du salon qui accueille 1 million 300 mille visiteurs. Une foule compacte autour des trois exemplaires fait la queue rien que pour s'y asseoir un instant. Réputation et curiosité aidant, le public vient aussi nombreux qu'il l'avait été pour le retour d'un Marcel Cerdan champion du monde. La 2CV est déjà une gloire nationale...
In extremis les premières 2cv de 1949 seront finalement dotées d'une
batterie suffisamment puissante pour lancer un démarreur électrique, sur
l'insistance de la femme de PJB qui n'aimait pas trop l'idée d'un seul
lanceur, et sur le fait que la secrétaire de PJB se soit cassé un ongle avec
le lanceur.
Malgré quelques décisions de dernières minutes, la 2cv peut se targuer
d'avoir eu une des plus longues gestation de l'histoire automobile, mais moins
que la DS qui lancée la même année en 1935, ne sortira qu'en 1955, soit dans
6 ans. La 2cv, même si elle fait appel a des solutions complètement
originales qui n'appartiendront qu'à elle dans l'histoire (comme ses
suspensions) a tellement été testée et retestée et améliorée qu'elle
bénéficie au moment de sa sortie de déjà 10 ans d'expérience + 5 ans de
conception. La voiture, bien fiabilisée, ne souffrira pas de défauts de
jeunesse comme la DS, trop radicale pour être parfaite jusque dans les
moindres détails.
Les concessionnaires aussi ne sont pas trop enthousiastes, les habitudes sont dures à changer et le changement est brutal! Les équipements inexistants changent aussi avec l'habitude des tractionnistes, l'augmentation de clientèle vers le bas n'est sans doute pas pour plaire avec une vision élitiste de l'automobile, comme elle était perçue à l'époque. Le petit moteur de 375 cm3, asthmatique, ne fait pas très sérieux.
Mais très vite les avantages de la petite voiture, avec 4 portes quand la plupart des concurrentes comme la Simca 5 n'en ont que deux, et tous les avantages que nous énuméreront par la suite.
Vouée aux fermes de la France profonde, la 2CV ne tarde pas à séduire toutes les couches de la population. Elle correspond surtout à un besoin réel de la population d'après guerre, à qui tout manque et qui commence à rêver de luxe accessible pour tous. Dans une France en reconstruction, la 2CV est plus que jamais d'actualité.
Pierre Jules Boulanger n'aura pas le loisir de voir le succès de son oeuvre. Comme son ami Pierre Michelin en 1937, il se tue au volant d'une Traction Avant 15/6 modifiée, le 11 novembre 1950 à Broût-Vernet dans l'Allier, toujours sur la N7, à quelques kms de Pierre Michelin. Je ne retrouve plus l'info, mais il aurait déjà eu un accident dans les environs peu d'années après l'accident mortel de Pierre Michelin en 1937.
La 2 cv est arrivé au bon endroit (un bureau d'étude Citroën sans a priori technique et à l'imagination débridée, avec une direction ayant des connaissances techniques et encourageant toutes les pistes possible pour faire quelque chose de bien techniquement), au bon moment (sortie d'une guerre mondiale avec toute une jeunesse ayant été privée de liberté pendant de longues années, l'accès à un niveau de vie inespéré jusque là (une seule voiture hors de prix par village)), et toujours en adéquation avec son époque (minimaliste et prix mini pour accompagner l'accession des classes populaires dans les années 50, embourgeoisement et hausse des performances dans les années 60, couleurs gaies accompagnant le flower power dans les années 70, séries limitées surfant sur la vague nostalgie des années 80, customs dans les années 90).
Très vite, comme la cox, la 2cv dérape et échappe à ce à quoi ses géniteurs l'avaient destinée. Les jeunes s'en empare et partent assouvir avec leur besoin de liberté si longtemps attendue pendant la guerre.
La sortie de la 2CV est un rêve de tous les constructeurs d'aujourd'hui. Les carnets de commande sont pleins à craquer, et les cadences de production sont très faibles. Les concessionnaires ne sont là que pour noter des commandes, aucun effort commercial n'est à faire. Les délais de livraison de la 2CV vont dépasser cinq ans!!! Elle est revendue d'occasion parfois le double de son prix en neuf!
Dans ces conditions, les publicités Citroën sont volontairement minimalistes.
La première publicité décrira tous les défauts de la 2CV, et conclura par
"ce n'est pas une voiture pour faire le jeune homme".
La brochure de lancement est, elle aussi, très sobre. C'est un dépliant de 4
pages de 13X9 cm (restrictions oblige). 4 photos, avec comme figurants le
personnel Citroën. Les top modèles comme Claudia Schiffer ne sont pas encore
d'actualité (dans une pub de la fin des années 90 où elle fait un crash test
à 20 km/h au volant d'une Xsara).
Dans ce dépliant, on apprend que c'est une traction, et qu'elle possède
quatre portes et quatre vraies places (contrairement aux petites voitures de
l'époque). On y apprend aussi que la bête a grimpé en pleine charge le mont
Ventoux, c'est son premier exploit.
Les autres publicités, en forme d'acte d'humilité, mettent en avant l'emploi
de solutions révolutionnaires, la technique simple, la conservation de tout ce
qui est utile à la sécurité, à un confort raisonnable et à l'économie, et
enfin l'élimination de tout ce qui est coûteux et qui n'est pas
indispensable.
Les termes sobres des publicités et leur modestie tranchent vivement avec les
superlatifs en tout genre des autres réclames. Cette publicité non
conformiste, comme l'est la 2CV, va orienter l'impact de la 2CV sur la
clientèle. Cette retenue attire la sympathie. De plus, ce discours de
restriction n'est pas mal venu dans un pays en pénurie.
Comme les enquêteurs de 1935 l'avaient annoncé, cette voiture n'intéresse
pas que les paysans, mais aussi les citadins, les ruraux, les jeunes et les
vieux...
La 2CV plaît. Boulanger se moquait qu'on la trouve moche. En fait, elle n'est
plus vraiment moche, ou plutôt cela n'a plus d'importance : elle est mieux que
belle, elle est "vraie". On la trouve sympathique et sans prétention, aussi
honnête que sa pub.
Dans les années 1958, il est décidé que les constructeurs doivent
envoyer un gros pourcentage de leur production à l'export pour ramener des
devises à la France (les fameux accords Ramadier). Pour financer ces exports
(Renault et Simca en seront les principaux bénéficiaires) l'état lance la
vignette automobile. Vous savez, cette fameuse vignette présentée comme
devant financer la retraite des petits vieux, mais dont ils ne verront jamais
la couleur. Encore un gros mensonge de la 4eme république, heureusement de nos
jours ce n'est plus le cas! (Ah Ah!). Bref...
Dans la même foulée, il a été décidé que Citroën devait disparaitre.
Est-ce encore sur sa trop grande indépendance ou le refus de se soumettre aux
ordres grotesques d'une république bananière, comme sous l'occupation
allemande? Toujours est-il que jusqu'en 1963, la pression exercée par Renault
question prix sera très forte, Renault lançant une 4L reprenant beaucoup
d'éléments techniques de la 2cv, tellement proche pour certains
(l'empattement, la répartition des masses, des feuilles de tôles soudées sur
une armature tubulaire, etc) étant carrément du plagiat. Citroën voulut
faire un procès, mais on lui fit comprendre qu'attaquer l'état, maitre de
Renault et de la justice, ne mènerait à rien de bon... Je vous laisserait
revenir dans les dossiers parus dans les premiers"Planète 2cv", intitulés
"Quand Renault copiait Citroën".
La vente des 2cv pâtira de cette politique agressive (vente à perte des 4L
(les contribuables payant la différence), offre de reprise des 2cv pour toute
4L neuve, imposition à tous les services publics (Poste, EDF, armées,
pompiers, gendarmerie) de ne se fournir que chez Renault et d'abandonner les
2cv fourgonnettes utilisées jusqu'à présent.
Un peu partout dans le monde, la 2CV devint un cas, un phénomène où le
cœur tenait autant de place que la raison. Elle escaladait les pics et les
volcans, elle roulait sur les icebergs et les hamadas, elle haletait dans les
steppes, les labours, les halliers, les savanes et les quartiers
universitaires"
Jean-Francis Held, 1966
Voici la fameuse histoire des bananes (que tout deuchiste devrait
connaître, tant elle a participé à la légende d'increvabilité de la
voiture), racontée dans le livre "La terre en rond", Flammarion, 1960.
C'est l'histoire de deux jeunes étudiants de Perpignan, Jacques Séguéla (qui
deviendra plus tard le célèbre publicitaire de "la force tranquille" pour
l'élection de Miterrand et "les chevrons sauvages" pour Citroën dans les
années 80, entre beaucoup d'autres) et Jean-Claude Baudot, qui ont fait le
tour du monde en 2cv, parcourant 100 000 kms.
Voici un extrait de leur livre, relatant les faits :
"Nous abordons l'Atacama. Coincé entre les Andes et le Pacifique,
boursouflé par de perpétuels tremblements de terre, ce désert se meurt
d'érosion.[...] Peu à peu, nous découvrons l'enfer : 600 kms sans une touffe
d'herbe, sans un souffle de vie, sans même une mouche. Seulement, balisant la
piste de loin en loin, des croix de tombes de chercheurs d'or [...] La piste
bat de très loin les plus mauvaises pistes africaines. Sa "tôle ondulée" est
la plus dure que nous ayons jamais connue. Elle nous fait claquer des dents.
Les écarts de température sont stupéfiants : à 2 500 m, vers le soir, nous
devons rouler jusqu'au matin pour bénéficier du chauffage de la 2cv. [...]
2 heures plus tard, le moteur émet un horrible bruit de crécelle. Nous
stoppons immédiatement et, épuisés, nous nous endormons sans chercher à
comprendre. Au matin, stupeur et consternation : plus une goutte d'huile dans
la boîte de vitesse. Le bouchon de vidange du carter a disparu. Les terribles
cahots de la tôle ondulée l'ont surement dévissé peu à peu. Et pour tout
arranger, nous n'avons pas d'huile en réserve. La seule chose à faire est
d'attendre le passage d'un camion, aussi providentiel qu'hypothétique. Nous
rationnons l'eau et les vivres, sachant que l'attente peut durer 2 à 3 jours,
et nous cherchons le sommeil pour économiser nos forces.
Vers midi, un léger bruit nous réveille : un Chilien, sans âge, presque
noir, regarde en souriant la voiture. Il est seul, un sac sur son épaule. Tant
bien que mal, nous tentons de lui expliquer notre détresse. Il cherche à
comprendre, puis soudain il sourit, ouvre son sac, en sort une dizaine de
bananes, les épluche soigneusement ... et les introduit une à une dans le
carter.
C'est avec ce lubrifiant que nous roulons pendant 300 kms. Et les vitesses
passent sans grincer!"
Voilà la vraie histoire. Avant de lire l'extrait dans le livre de Jacques
Wolgensinger, La 2cv nous nous sommes tant aimés, j'étais persuadé
qu'il s'agissait du carter moteur, et je ne suis pas le seul à croire cette
version de l'histoire au vu de messages rencontrés sur les forums. J'ai donc
recherché les causes de cette mésinformation.
J'ai retrouvé des vieux articles du Selection du reader's Digest, et j'ai
compris d'où étais venue l'erreur.
Dans le premier article de 1975 ("La tortue qui rugissait"), il est
raconté que c'est l'écrou de vidange du carter qui s'était desserré,
laissant échapper l'huile. C'est Séguéla dans cette version de l'histoire
qui eu une "idée lumineuse" en voyant arriver un indien avec un régime de
bananes (sur l'illustration, on voit un indien avec un régime qui fait la
moitié de sa taille, on est loin de la dizaine de bananes!). Dans cette
version, séguéla les achète et les pèle lui-même. La voiture roula six
heures jusqu'au prochain garage.
Dans le second article ("Un bolide nommé 2cv") paru dix ans plus tard
(1985), l'histoire est raconté de façon encore plus brève, au milieu des
légendes marquantes circulant sur la 2cv. Je le reprend texto:
" On affirme aussi qu'au cours d'une expédition autour du monde, un
explorateur en panne d'huile, au Chili, aurait rempli son carter de pulpes de
bananes..."
Et voilà comment l'histoire se déforme avec le temps, jusqu'à devenir une
légende qui montre que la deuche peut se sortir de toutes les situations,
même les plus désespérées. Le mythe de l'aventure.
La confusion vient du mot carter, car quand rien n'est précisé, il fait
référence au carter moteur et non au carter BV. L'imprécision des
journalistes (peut-être volontaire, pour rendre l'histoire plus belle) a ainsi
enjolivé la légende.
Quand on y réfléchi, mettre des bananes dans des engrenages de BV, OK. Dans
un moteur, avec le faible jeu piston-cylindre...
Ajout du 29/11/2009, concernant la légende urbaine du moteur remplit de
bananes. Dans un documentaire de la chaine Planète de 1996, "La fabuleuse
histoire de la 2cv", ou Jacques Ségéla lui-même (mais 40 ans après les
faits), raconte l'anecdote : Il reconnait que c'est lui qui a fait les 2
erreurs, à savoir mal revisser le bouchon de carter d'huile (il hésite sur le
mot huile, et la suite ne sort pas). Et la deuxième erreur, de n'avoir pas
remplit les réserves d'huile. Revisser, ça indique bien un bouchon de
vidange. Mais il indique ensuite que l'huile finit par gicler du carter au bout
de 400 kms, ce qui ferait penser à un couvercle de reniflard mal mis.
E, 2008, France 5 sort un reportage "La 2cv : autoportrait" suivi d'un
entretien d'Antoine Demetz (donc 50 ans après les faits), et dans le reportage
Jacques Séguéla est encore une fois interviewé, avec un petit jeune qui
vient de faire 40 000 kms en raid, sur les traces de l'ainé. Devant le moteur
de la dernière deuche aventurière, Séguéla engueule gentiment le jeune
devant la saleté du carter moteur, racontant qu'ils nettoyaient chaque matins
le leur. Il raconte aussi la fois où il a mal refermé le bouchon de reniflard
(en désignant ce dernier et le dispositif élastique qui permet d'éviter de
faire l'appoint d'huile et d'oublier de refermer le bouchon), même s'il fronce
les sourcils comme s'il n'est plus trop sûr si c'était ça, mais ça pourrait
s'expliquer par le fait que leur type A avait un reniflard "bec de canard"
différent des reniflards modernes monoblocs) l'huile avait finit par se
disperser dans le capot moteur jusqu'à ce qu'il n'y en ai plus dans le carter.
Il raconte alors l'histoire du Chilien qui surgit du désert avec son sac de
bananes, qui après qu'on lui ait expliqué sourit et glisse les bananes unes
à unes dans l'orifice de remplissage d'huile moteur (et Séguéla montre alors
le reniflard ouvert et fait mine d'y glisser des bananes). Il rajoute que le
moteur à ainsi fait 300 kms ainsi.
Alors, où est la vérité?
C'est vrai que c'est l'erreur classique en raid d'oublier de refermer le
bouchon, mais en général ça fume assez vite et on doit vite s'arrêter pour
vérifier, sauf si on roule à bonne vitesse et la fumée ne se voit pas.
Serait-ce pour ça que Baudot et Séguéla aurait changé leur moteur à New
York, au milieu de leur tour du monde, aux frais de Citroën? (scandale
seulement levé en 2007).
Difficile de savoir, mais j'inclinerais plus pour la version du bouquin (la boite de vitesse), qui est plus fraîche dans les mémoires qu'au bout de 53 ans!
Mais revenons à l'histoire de la 2cv.
La publicité associe bientôt la 2CV aux moments heureux de l'existence,
comme un partenaire nécessaire. C'est ainsi que l'on voit des publicités avec
la famille sur la plage, avec la 2CV comme parasol, ou en pique-nique, les
enfants assis sur la banquette arrière démontée et posée dans l'herbe.
En Italie, on met l'accent sur la voiture de jeunes. Le slogan est "la
décapotable la moins chère du monde", et les arguments sont : peu d'essence,
pas d'entretien ni de réparations, aucune perte à la revente.
Les successeurs de PJB, moins intransigeants, acceptent les évolutions sur la voiture. La 2CV va voir ses équipements s'enrichir au fil des années, suivant en cela les besoins de "luxe" croissants de la clientèle. La production annuelle augmente. 100 000 unités en 1957, 150 000 en 1960. Les délais de livraison raccourcissent. Les agents ne peuvent plus se contenter d'être des distributeurs, et redeviennent des vendeurs. La démarche commerciale revient, et la publicité de la 2CV devient sophistiquée, les photographes et dessinateurs s'efforçant de propager une image sympathique et bon enfant de la voiture.
En 1960, le service publicité se restructure. Il ne faut pas nager à contre courant, la 2CV a déjà une personnalité originale. Il suffit d'affirmer son caractère et de marquer durablement sa singularité.
En 1962, sort une brochure de 32 pages en couleur, sur papier glacé. Intitulée "liberté", ce document fait date dans l'histoire de la publicité. Mises en page rigoureuse égayée de trouvailles typo et photographiques sui surprennent, séduisent et ravissent le lecteur. Des mises en scènes insolites expliquant ce qu'est la 2CV. La brochure est parfaitement en phase avec la voiture qu'elle représente.
La brochure montre aussi l'utilisation faite par plusieurs professions, y compris celle de cambrioleur! "Jamais, écrit Claude Roy, une voiture n'a été mieux décrite, expliquée, "vendue", par des moyens aussi spirituellement, aussi sournoisement séducteurs".
C'est aussi vers cette époque que sortira la campagne de pub dont le slogan restera à jamais associé à la 2CV : "Plus qu'une voiture, c'est un style de vie".
Les photographies illustrant les publicités ont un air de vacances familiales et mettent en avant les avantages de la capote enlevée et le côté sympathique de la voiture.
Dès sa commercialisation, la 2CV amène à l'auto de nouvelles familles d'utilisateurs, comme l'avait prévu Michelin en 1922, tout en ralliant les suffrages des tenants de la voiture classique. L'afflux de demande crée la rareté, et celle-ci l'engouement; Les listes d'attente s'allongent. C'est Boulanger lui-même qui fixe les priorités de livraison : d'abord ceux qui ont des moyens limités et nouveaux venus à l'automobile (petits agriculteurs, commerçants modestes, représentants au détail, curé de campagne, sage-femme, vétérinaire, assistant sociale, infirmière, médecin rural,..)
Il se crée alors une population conquise ne demandant à la 2CV que ce qu'elle peut lui donner, et qui lui fait une réclame enthousiaste. L'esprit 2CV est en train de naître, déjà le culte échappe au service marketing* Citroën.
La 2CV possède en effet une arme secrète, que n'avait pas prévu le bureau d'étude dans le cahier des charges: elle génère la bonne humeur. Elle est amusante. Elle se couche ou lève la patte arrière dans les virages fous pris à 30 à l'heure. On rit de ses amples sursauts ondulants sur les cahots, de prendre de l'élan avant une côte et de l'aborder les dents serrées... On crie de joie de la voir dépasser tout le monde en descente ou sur le verglas, ou lors de ces enivrants déboulés de col, le toit découvert au vent de la course.
Sa meilleure pub commence à apparaître, véhiculée par les anecdotes de ses propriétaires. Ainsi, on sourit de l'insouciance de ce père tranquille qui a fait Nice-Paris en seconde, comme il avait démarré! Ou alors Mr Coulet, hôtelier en Camargue, qui a parcouru 100 000 kms sans faire de vidanges, se contentant de temps en temps de faire l'appoint.
La voiture ne manque pas de personnalité, et beaucoup de propriétaires l'affublent d'un surnom affectueux. "Rossinante" est un classique...
Les photographes et dessinateurs donnent à la 2CV son image culturelle. Les publicitaires prenaient des dessinateurs et photographes pour exalter sa différence, en montrant que ce minimum automobile est plus qu'une voiture, c'est une bonne à tout faire, une amie de la famille, une façon de vivre, un supplément d'âme.
Mais très vite, elle poursuivra son parcours culturel dans les oeuvres de dessinateurs humoristiques comme Sempé, Avoine, Franquin, Roba (Boule et Bill), Hergé...
Elle envahit aussi le 7eme art. Plutôt dans des films comiques, comme la série des gendarmes à St Tropez, avec une religieuse myope et délurée à son volant, ou dans des films plus internationaux, comme dans le James Bond "Rien que pour vos yeux".
Enfin, elle passe de temps en temps à la télé avec des reportages, des jeux comme "Intervilles", ou des émissions comme "Incroyable mais vrai", où l'on voit 45 enfants prendre place dans une 2CV fourgonnette.
C'est l'Aventure avec un grand A que lui fera connaître toute une génération d'après-guerre. En effet, pendant la guerre, les adolescents ont rêvé de s'évader des frontières de l'occupation et de la guerre. La paix revenue, mais les restrictions toujours en place, les voyages devaient être à coût accessible. La 2CV, robuste, pratique, facile à réparer, économique et, de surcroît, confortable, ne pouvait que réunir tous les suffrages des aventuriers en herbe sans moyens.
En 1952, Michel Barnier est le premier à partir. En 1953, Jacques Cornet parcourt 51000 km en 367 jours à travers trois continents. En Bolivie, il bat le record d'altitude en automobile en faisant grimper sa 2CV à 5420m d'altitude. Il traverse 7 déserts.
Jacques Séguéla, le publicitaire, fait le tour du monde avec sa 2CV. Il en tire un livre, "la terre en rond", qui deviendra un best seller et provoquera un engouement nouveau pour l'aventure en 2CV. En 1957, devant le lancement croissant d'expédition, le service de presse et des relations publiques Citroën inaugure le prix du tour du monde en 2CV, attribuant un prix annuel aux meilleures expéditions.
Beaucoup de jeunes sont partis dans ces années au volant de leur 2CV pour découvrir un monde encore inconnu, où les moyens de communication ne sont plus ceux d'aujourd'hui.
Pierre Boulanger avait dit "pas plus vite qu'un cheval" pour définir la vitesse maximale de la 2CV. Pourtant, ils sont plusieurs à braver cet interdit et à s'engager dans des rallyes, comptant sur la fait que la tenue de route compensera le manque de puissance du moteur. En 1955, une 2CV gagne le classement général du rallye de Madagascar.
Depuis 1985, se courent les "24 heures 2CV" sur le circuit de Francorchamps, en Belgique. La Belgique compte beaucoup d'inconditionnels de la 2CV et de ses dérivés, et peut à ce titre être considérée comme la deuxième patrie de Citroën.
En 1983, on peut voir une 2CV à vent, pourvue de voiles, avancer sur les plages.
Le bitume, la terre, le sable, ne suffisaient plus à la 2CV, avide de terrains inconnus. C'est ainsi que l'on vit de partout, à partir de 1983, des courses de 2CV aquatiques (appelées AquaDeuch) se dérouler chaque année.
Stimulant les imaginations, il ne restait à la 2CV que l'élément d'Icare à fouler. En 86, un ingénieur lui met des ailes et parvient à la faire voler. Huit jours plus tard, c'est déjà un hydravion ! En 87, à la fin de la coupe du monde de ski nordique, une 2CV est lancée sur le tremplin olympique et fait un saut de 70 mètres.
De nombreux exploits sont encore à son actif, qui sont repris par les médias et auxquels assiste un public nombreux. Elle devient un mythe vivant. Chacun la met à sa mesure, elle est polymorphe. On la recolore à son goût, on bricole son chassis et son moteur, on modifie la carrosserie dans les versions les plus folles et imaginatives.
Les concurrentes de la 2CV sont les Renault 4 et 4CV et la Wolkswagen Coccinelle.
La Coccinelle n'a fait une réelle apparition sur le marché Français qu'à partir du milieu des années 60, fortement aidée par la publicité des films Disney, comme "la Coccinelle à Monte-Carlo". Elle a par contre une renommée universelle, forte de 22 millions d'exemplaires.
La concurrence de la régie Renault est plus déloyale. Dès le début de la guerre, en 1940, une équipe de Renault entreprend l'étude d'une voiture populaire, afin d'imiter la 2CV de 1939. En 1945, Renault sort la 4CV, alors que Citroën n'a même pas de quoi sortir en production sa 2CV. En 1961, la production de la 4CV est arrêtée, et la régie lance la 4L. Citroën accuse la régie d'avoir honteusement copié la 2CV, et notamment plusieurs solutions techniques innovantes de la 2CV. Le levier de vitesse au tableau de bord, le siège arrière démontable, ... permettent aux vendeurs Renault de dire aux clients que leur 4L est la même chose qu'une 2CV. Les publicités Renault de l'époque aussi cherchent à mélanger dans l'inconscient collectif les deux voitures, en reprenant pour sa 4L des publicités ressemblant à celles de sa concurrente.
Ils s'approprient ainsi l'image qu'a développé la 2CV, dégradant au passage l'image des deux voitures car la 4L est bien moins amusante.
C'est aujourd'hui que l'on voit que la régie n'a jamais réussi à copier le côté humain et sympathique de la 2CV. Si les clubs 2CV fleurissent dans toutes les régions du monde, il n'existe aucun club de R4.
La 2CV est une auto devenue culte, symbole d'un style de vie. Modeste dans ses ambitions, elle a vécu mille aventures.
à suivre ...
à suivre...