Nature Humaine (amocalypse)
Citroën 2cv et méhari>
Première version: 19/04/1998
Dernière version: 2015-04-17
ou comment est perçue la CITROËN Méhari
* Les termes techniques suivi d'une astérisque sont expliqués dans le lexique
Sommaire de la page
Méhari'mages, parce que la Méhari, ce sympathique dérivé* de la célèbre 2CV, valait bien qu'on lui consacre quelques pages pour expliquer la provenance des multiples images qui lui sont associées.
Méhari baba-cool, campagnarde, ou bien Jeep traversant les déserts du monde entier, elle est accommodée à toutes les sauces auxquelles la préparent ses heureux utilisateurs. Ce sont eux, les utilisateurs, qui lui font la meilleure pub.
Ayant sombré peu à peu dans l'oubli vers les années 85, elle fait depuis quelques années un retour en force sur les routes, les plages et les petits chemins. Comme sa grande sœur la 2CV, de qui elle tient les propriétés les plus amusantes, c'est un art de vivre. Nous tenterons d'expliquer dans ce mémoire les différents axes de communication qui ont contribué à son image "fun".
Pour cela, on reviendra sur tous les éléments qui ont abouti à cette voiture, depuis l'histoire de Citroën, son image de novateur et d'anticonformiste, à cette voiture devenue culte, la 2CV. Car c'est tout ce passé, ces techniques et ces passions qui sont la base du succès de la Méhari. Comme le montre le dessin de la page de couverture montrant par transparence le chassis de la Méhari, c'est bien la mécanique* de la 2CV qui se cache sous la robe psychédélique de plastique et en constitue la base.
On peut estimer que l'image de la Méhari est composée à 20% de celle de sa marque, à 35% de l'image acquise par la 2CV, le reste lui appartenant en propre.
Tout au long de ce mémoire nous parlerons de "succès". Il faut relativiser. De 1968 à 1987, 144 953 méharis ont été fabriquées, alors qu'une voiture comme la 205, de plus grande diffusion, a été construite a presque 5 millions d'exemplaires en "seulement" 15 ans. La 2CV, vendue à plus de 5 millions d'exemplaires, aura mis 40 ans à y arriver. La Méhari est un modèles de faible diffusion. Si l'on parle de succès, c'est qu'elle s'est vendue à 145 000 exemplaires alors que sa fabrication aurait dû rester confidentielle. Pour la 2CV, il faut rappeler que les cadences de production et les achats de voitures de l'après-guerre n'ont rien à voir avec ceux d'aujourd'hui. L'image de l'automobile est aujourd'hui celle d'un objet de consommation courante. Par exemple, la Peugeot 206, moins de 4 mois après son lancement, fait l'objet de 250 000 commandes rien qu'en Europe. C'est pourquoi nous restituerons le contexte de l'époque.
Le sujet de l'image de la Méhari n'ayant pas été développé, c'est pourquoi j'émets dans ce mémoire de nombreuses théories personnelles qui n'engagent que moi.
Enfin, le respect d'un nombre restreint de pages m'oblige à limiter les informations et à laisser de côté de nombreux aspects historiques et des réflexions annexes pouvant apporter un éclairage nouveau sur ce sujet complexe qu'est la représentation d'un objet par chacun. C'est pourquoi ce mémoire n'a rien d'exhaustif.
"Une chose fait la différence, c'est le design de la
voiture, surtout quand la voiture frappe l'imagination"
Pininfarina
La Méhari bénéficie d'une diversité d'utilisateurs impressionnante. Peut-être est-ce dû au fait qu'en lançant cette voiture polyvalente Citroën ne savait pas vraiment quels étaient les acheteurs potentiels, laissant à ceux-ci le choix d'inventer la vie qui va avec. Tout comme la 2CV dont elle est issue, elle rencontra un succès inescompté.
Nous parlerons beaucoup de l'image d'un objet. C'est ce que représente dans l'imaginaire collectif ou personnel tel objet. Cette représentation prend racine dans l'objet lui-même, mais aussi dans la communication qui à été faite autour de cet objet. La représentation personnelle provient surtout du lien affectif que l'on a avec l'objet.
Pour parler de l'image de la Méhari, il faut avant tout revenir à l'image véhiculée par la 2CV et dont la Méhari a hérité. Et pour parler de l'image de la 2CV, on ne peut passer sous silence le standing associé à son nom de famille, CITROËN. C'est pourquoi nous reviendrons brièvement sur l'image que possède déjà Citroën, à laquelle vient s'ajouter celle de la 2CV, puis comme une strate supplémentaire, celle de la Méhari.
L'image est une chose complexe qu'il est difficile d'appréhender sous tous ses rapports, et c'est pourquoi il difficile d'expliquer totalement le succès ou l'échec commercial d'un produit.
L'image de notre cas d'étude, la Méhari, est remarquablement symbolisée dans le dessin de couverture où l'on voit la plate-forme* de la 2CV, simplicité et technicité réunie, surmontée de la carrosserie plastique de la Méhari, apportant ces côtés joujou et liberté à la voiture.
Nous ne nous cantonnerons pas dans cette étude uniquement à la communication via les publicités Citroën, mais également à la publicité générée par les utilisateurs eux-mêmes, séduits par les qualités de cette voiture, qualités dont nous parlerons un peu. Et nous tenterons ainsi d'expliquer le succès dont jouit la Méhari face à ses concurrentes.
La Méhari ne pouvait s'appeler que Citroën, et c'est parce que c'était une CITROËN qu'elle a eu autant de succès. Mais revenons sur l'historique de CITROËN et les faits marquants ayant contribué à l'image de marque, pour définir ce qu'est l'esprit Citroën. De la biographie d'André Citroën en annexe, on peut souligner:
A Polytechnique, en 1899, André Citroën apprend que les engrenages à doubles chevrons apportent beaucoup d'avantages (silence, rendement, peu de vibrations) mais sont par contre très difficiles à fabriquer. En avril 1900, lors d'un voyage en Pologne, il découvre une machine inconnue en France qui fabrique ces fameux doubles chevrons... C'est pour lui le départ d'une grande aventure. Par reconnaissance, le sigle de sa marque sera le double chevron.
Le double chevron symbolise ainsi l'avance technologique de CITROËN. Le premier objectif de la publicité de la marque dans les années 20 est d'imposer le double chevron, de l'identifier aux avantages qu'il procure. Ainsi, dans une pub de 1922, l'on voit le double chevron sur toute l'affiche, avec en sous-titrage "faible prix d'achat et économie d'entretien". En 1924, si le sigle et l'affiche sont quasiment inchangés, le message se résume à "économie, solidité, confort".
En 1919, il lance la Type A, et par la même la première production automobile de grande série en Europe. C'est le début de la voiture pour tous. Comme souvent, CITROËN est le premier, et c'est cette image qui commence à se former dans l'inconscient collectif.
Il me faut ici définir ce que j'appelle l'inconscient collectif. Ce sont tous les à priori et idées reçues qu'ont les gens vis-à-vis de quelque chose. Ces à priori ont une origine précise mais que la plupart ont oubliée, et sont désormais admis par la majorité. C'est ce qui fait la réputation, bonne ou mauvaise.
La type A gagne le grand prix de consommation. Les CITROËN y gagneront une réputation d'économes en carburant.
En 1925, Citroën illumine de son nom la tour Eiffel, évènement de portée mondiale qui assurera à CITROËN un renom sur toute la planète et à travers les âges.
En effet, la tour Eiffel n'a alors "que" 36 ans, et reste l'un des monuments les plus haut du monde. C'est surtout le symbole français par excellence, et Citroën est ainsi étroitement associé à l'image de la France dans le monde. Ce n'est pas pour rien que le Français est vu avec son béret, sa baguette de pain et sa 2CV, ou que la DS* est encore considérée dans le monde entier comme le savoir-faire technologique français (ainsi, dans les feuilletons américains, pour montrer que l'action se déroule en France, on montre une DS).
Si cet événement publicitaire a eu un énorme retentissement à l'époque, le fait qu'il soit tombé dans la mémoire collective lui assure de temps à autre un rafraîchissement dans nos mémoires. Par exemple, pour le centenaire de la tour en 1989, un reportage au journal télévisé de 20 heures rappela l'historique de la tour Eiffel, dont cet évènement fait partie. En 1997, quand on installe un compte à rebours géant avant l'an 2000 sur la tour, nouveau reportage à la télé rappelant que le premier à inscrire quelque chose sur la tour fut Citroën en 1925... A l'époque, il suffisait d'être le premier à y penser.
En 1931, c'est la croisière jaune*. Les journaux du monde entier se passionnent pour cette aventure, qui est ressentie comme un pas en avant de l'humanité, un peu comme le premier homme sur la lune. C'est la victoire des instruments humains sur la nature hostile. Cette histoire sera reprise dans plusieurs films et documentaires, qui sont rediffusés de temps en temps à la télé. Elle positionnera CITROËN en première position pour l'aventure, même si aujourd'hui cette image est devancée par les Land Rover et le Camel Trophy.
En 1934, arrive la voiture qui va définitivement asseoir le mythe CITROËN: la Traction. En avance de 20 ans sur son époque, elle est robuste et confortable. En un mot, elle est révolutionnaire. La marque prend alors une image de précurseur, avant-gardiste et anticonformiste. C'est cette image que depuis 1976 la marque a perdue, lors de la prise de contrôle par Peugeot, et que Jean Martin Folz, le nouveau PDG de PSA, essaie de redonner à la marque. Par exemple, le nouveau moteur diesel haute pression sur la Citroën Xantia sera monté 6 mois avant de l'être sur la Peugeot 406..
En plus d'une image de marque, la société CITROËN bénéficie d'un nombre important d'inconditionnels de la marque. Ce sont les premiers à acheter le nouveau modèle sorti, prêts à assurer avec patience les déboires inhérents aux nouvelles technologies, comme ce fut le cas pour la traction et la DS. Ils tirent leur satisfaction du fait de rouler dans la meilleure voiture du moment... entre deux pannes.
Pour ces nombreux fidèles, posséder plusieurs Citroën est presque un devoir. D'ailleurs, c'est grâce à eux que la Traction avant est actuellement la voiture la plus collectionnée en France.
On le voit, la Méhari à hérité d'un glorieux passé, d'une image de précurseur et d'anticonformisme, et d'un groupe de fidèles acquis à la cause. Citroën étant (presque) toujours le premier, il est normal que la première voiture polyvalente pour tous soit une Citroën. Cette voiture est la 2CV, de qui la méhari est issue, et nous allons voir comment l'originalité CITROËN a permis la création de cette voiture hors normes.
En effet, contrairement à une célèbre "voiture du peuple" commandée par un dictateur (la Wolkswagen Coccinelle), la 2CV est le fruit de la première étude de marché* du genre.
En décembre 1922, les frères Michelin lancent une gigantesque "enquête nationale de l'automobile populaire", s'adressant à "tous les Français, ouvriers, employés, agriculteurs, etc...". C'est la première enquête de marché en Europe.
Les réponses apportées pour une petite voiture vraiment populaire sont: grande à l'intérieur, 4 places, 50 kg de charges et coûtant moins de 5000 francs (nous sommes en 1922...).
En 1931, l'Argus de l'automobile et d'autres journaux spécialisés réclament un "engin très rustique, très populaire, [...]un quatre roues qui porterait ses quatre personnes [...], accessible à une nouvelle clientèle".
La même année, l'ingénieur Léon Laisne propose à Citroën un petit véhicule économique de très grande diffusion à moteur 2 cylindres à plat refroidi par air (en somme la 2CV). Citroën choisit le projet de la Traction Avant de André Lefebvre, espérant que ce projet remédiera à ses soucis financiers.
Pour le projet de la Traction Avant, les ingénieurs sont partis d'une page blanche, et chacun au bureau d'étude lance ses idées, toutes plus farfelues les unes que les autres. C'est ce projet qui instaure au bureau d'étude les idées neuves et non conformistes, et dont bénéficieront les futures CITROËN.
En 1936, ce sont les congés payés. Beaucoup, qui ne possèdent qu'un vélo, désireraient une auto pour bénéficier des congés. Les évènements créent un besoin de petite voiture.
Le rapport Schwartz au conseil économique réclame pour la clientèle des accords de Matignon "une voiture simple, robuste, peu coûteuse".
La demande se précise, devient soudain plus pressante. Et encore une fois, CITROËN a su anticiper. Dès 1935, Pierre Boulanger, transfuge de chez Michelin, et qui n'a pas oublié les résultats de l'enquête de 1922, lance l'étude du TPV (tout petit véhicule) qui sera l'œuvre de sa vie.
C'est en voyant sur les routes du Puy de Dôme un paysan sur une charrette à cheval, que Boulanger eut l'idée de sa voiture. En effet, le cheval était nourri toute l'année pour ne servir qu'en de rares occasions, alors qu'une voiture remisée au fond d'une grange ne coûtait rien. A l'époque, bien avant l'exode rural, les agriculteurs représentent une part importante de la population française (5 millions en 1954).
La 2CV est née d'un besoin et d'une demande des Français, et est conçue pour y répondre.
Boulanger soumet une nouvelle enquête auprès des utilisateurs potentiels d'un tel véhicule.
10 000 personnes sont interrogées dans toute la France. Un service est créé pour la circonstance. A partir des réponses, Boulanger lui-même qui définit un cahier des charges comme on n'en avait jamais vu:
"- Faire une voiture pouvant transporter 4 personnes et 50 kg de pommes de terre ou un tonnelet, à la vitesse maximale de 60 km/h, pour une consommation de 3 l/100kms, un faible coût d'entretien et un prix de vente du tiers de celui de la traction.
- Elle devra être conduite facilement par des débutants ou des femmes, et ne pas craindre les pires chemins.
- Elle devra transporter à travers un champ labouré un panier d'œufs sans les casser.
- Quand à l'esthétisme et à la vitesse, je ne veux pas en entendre parler".
35 ans plus tard, ce cahier des charges sera conservé pour définir la méhari.
C'est ainsi que la 2CV sera développée à partir des voeux exigeants de ses futurs acheteurs. C'est pourquoi ils se reconnaîtront dans la voiture et auront l'impression qu'elle est faite pour eux. Pour une fois, la communication automobile se fait du récepteur (le client) à l'émetteur (le constructeur). C'est ce qu'on appelle le "Feed-back", auquel étaient hermétiques jusque là la plupart des constructeurs automobiles.
La 2CV est agréée par les mines le 28 août 1939. Il s'agit d'un insolite mélange de solutions d'avant garde et de simplifications radicales, d'économie et de sophistication, qui étonne avant de séduire. Le lancement est reporté à cause de la guerre. Les travaux reprennent dans la clandestinité. Toute les solutions techniques innovantes mais coûteuses sont jetées aux oubliettes. A la fin de la guerre, le manque de matières premières empêchent le lancement de nouveaux modèles. La régie Renault, favorisée par les pouvoirs publics, peut lancer la 4CV dès 1945, une voiture populaire censée contrer la future 2CV. La 2CV a déjà 10 ans de retard. Ulcéré par les difficultés politiques, Boulanger dévoile à la surprise générale la 2CV au salon de l'auto à Paris, le 7 octobre 1948.
La 2CV était dévoilée aux yeux du monde et allait "voler de ses propres ailes".
"Un peu partout dans le monde, la 2CV devint un cas, un
phénomène où le cœur tenait autant de place que la raison. Elle escaladait
les pics et les volcans, elle roulait sur les icebergs et les hamadas, elle
haletait dans les steppes, les labours, les halliers, les savanes et les
quartiers universitaires"
Jean-Francis Held, 1966
Le pari était gagné. La 2CV ne coûtait que 185 000 francs, ce qui en faisait la voiture la moins chère du marché.
Lors du salon, elle sera d'abord exposée aux plaisanteries des journalistes, qui la traiteront de "vilain petit canard", de "parapluie posé sur quatre roues",... Le président Vincent Auriol lui-même semblait sceptique.
En fait, leur commentaire est réservé car la voiture a été sortie dans
le plus grand secret, et aucun d'entre eux n'avait été prévenu à l'avance.
Jean Bonnet, le grand critique automobile, vexé, avait dans "l'équipe"
du 9 octobre eu cette phrase prophétique: "Quoi qu'on fasse, la 2CV est déjà
dépassée dans l'actualité". Il faut rappeler que "l'équipe", au
début de la coupe du monde de football 1998, critiquait violemment Aimé
Jacquet...
Un autre journaliste concluait "peut-être verrons-nous un jour cette voiture
rouler sur nos routes".
Le public, lui, ne s'y trompe pas. La 2CV sera la bombe du salon qui accueille 1 million 300 mille visiteurs. Une foule compacte autour des trois exemplaires fait la queue rien que pour s'y asseoir un instant. Réputation et curiosité aidant, le public vient aussi nombreux qu'il l'avait été pour le retour d'un Marcel Cerdan champion du monde. La 2CV est déjà une gloire nationale...
Vouée aux fermes de la France profonde, la 2CV ne tarde pas à séduire toutes les couches de la population. Elle correspond surtout à un besoin réel de la population d'après guerre, à qui tout manque et qui commence à rêver de luxe accessible pour tous. Dans une France en reconstruction, la 2CV est plus que jamais d'actualité.
La sortie de la 2CV est un rêve de tous les constructeurs d'aujourd'hui. Les carnets de commande sont pleins à craquer, et les cadences de production sont très faibles. Les concessionnaires ne sont là que pour noter des commandes, aucun effort commercial n'est à faire. Les délais de livraison de la 2CV vont dépasser cinq ans!!! Elle est revendue d'occasion parfois le double de son prix en neuf!
Dans ces conditions, les publicités Citroën sont volontairement minimalistes. La première publicité décrira tous les défauts de la 2CV, et concluera par "ce n'est pas une voiture pour faire le jeune homme".
La brochure de lancement est, elle aussi, très sobre. C'est un dépliant de 4 pages de 13X9 cm (restrictions oblige). 4 photos, avec comme figurants le personnel Citroën. Les top modèles comme Claudia Schiffer ne sont pas encore d'actualité.
Dans ce dépliant, on apprend que c'est une traction, et qu'elle possède quatre portes et quatre vraies places (contrairement aux petites voitures de l'époque). On y apprend aussi que la bête a grimpé en pleine charge le mont Ventoux, c'est son premier exploit.
Les autres publicités, en forme d'acte d'humilité, mettent en avant l'emploi de solutions révolutionnaires, la technique simple, la conservation de tout ce qui est utile à la sécurité, à un confort raisonnable et à l'économie, et enfin l'élimination de tout ce qui est coûteux et qui n'est pas indispensable.
Les termes sobres des publicités et leur modestie tranchent vivement avec les superlatifs en tout genre des autres réclames. Cette publicité non conformiste, comme l'est la 2CV, va orienter l'impact de la 2CV sur la clientèle. Cette retenue attire la sympathie. De plus, ce discours de restriction n'est pas mal venu dans un pays en pénurie.
Comme les enquêteurs de 1935 l'avaient annoncé, cette voiture n'intéresse pas que les paysans, mais aussi les citadins, les ruraux, les jeunes et les vieux...
La 2CV plaît. Boulanger se moquait qu'on la trouve moche. En fait, elle n'est plus vraiment moche, ou plutôt cela n'a plus d'importance : elle est mieux que belle, elle est "vraie". On la trouve sympathique et sans prétention, aussi honnête que sa pub.
La publicité associe bientôt la 2CV aux moments heureux de l'existence, comme un partenaire nécessaire. C'est ainsi que l'on voit des publicités avec la famille sur la plage, avec la 2CV comme parasol, ou en pique-nique, les enfants assis sur la banquette arrière démontée et posée dans l'herbe.
En Italie, on met l'accent sur la voiture de jeunes. Le slogan est "la décapotable la moins chère du monde", et les arguments sont : peu d'essence, pas d'entretien ni de réparations, aucune perte à la revente.
En 1950, Boulanger meurt. Ses successeurs, moins intransigeants, acceptent les évolutions sur la voiture. La 2CV va voir ses équipements s'enrichir au fil des années, suivant en cela les besoins de "luxe" croissants de la clientèle. La production annuelle augmente. 100 000 unités en 1957, 150 000 en 1960. Les délais de livraison raccourcissent. Les agents ne peuvent plus se contenter d'être des distributeurs, et redeviennent des vendeurs. La démarche commerciale revient, et la publicité de la 2CV devient sophistiquée, les photographes et dessinateurs s'efforçant de propager une image sympathique et bon enfant de la voiture.
En 1960, le service publicité se restructure. Il ne faut pas nager à contre courant, la 2CV a déjà une personnalité originale. Il suffit d'affirmer son caractère et de marquer durablement sa singularité.
En 1962, sort une brochure de 32 pages en couleur, sur papier glacé. Intitulée "liberté", ce document fait date dans l'histoire de la publicité. Mises en page rigoureuse égayée de trouvailles typo et photographiques sui surprennent, séduisent et ravissent le lecteur. Des mises en scènes insolites expliquant ce qu'est la 2CV. La brochure est parfaitement en phase avec la voiture qu'elle représente.
La brochure montre aussi l'utilisation faite par plusieurs professions, y compris celle de cambrioleur! "Jamais, écrit Claude Roy, une voiture n'a été mieux décrite, expliquée, "vendue", par des moyens aussi spirituellement, aussi sournoisement séducteurs".
C'est aussi vers cette époque que sortira la campagne de pub dont le slogan restera à jamais associé à la 2CV : "Plus qu'une voiture, c'est un style de vie".
Les photographies illustrant les publicités ont un air de vacances familiales et mettent en avant les avantages de la capote enlevée et le côté sympathique de la voiture.
Dès sa commercialisation, la 2CV amène à l'auto de nouvelles familles d'utilisateurs, comme l'avait prévu Michelin en 1922, tout en ralliant les suffrages des tenants de la voiture classique. L'afflux de demande crée la rareté, et celle-ci l'engouement; Les listes d'attente s'allongent. C'est Boulanger lui-même qui fixe les priorités de livraison : d'abord ceux qui ont des moyens limités et nouveaux venus à l'automobile (petits agriculteurs, commerçants modestes, représentants au détail, curé de campagne, sage-femme, vétérinaire, assistant sociale, infirmière, médecin rural,..)
Il se crée alors une population conquise ne demandant à la 2CV que ce qu'elle peut lui donner, et qui lui fait une réclame enthousiaste. L'esprit 2CV est en train de naître, déjà le culte échappe au service marketing* Citroën.
La 2CV possède en effet une arme secrète, que n'avait pas prévu le bureau d'étude dans le cahier des charges: elle génère la bonne humeur. Elle est amusante. Elle se couche ou lève la patte arrière dans les virages fous pris à 30 à l'heure. On rit de ses amples sursauts ondulants sur les cahots, de prendre de l'élan avant une côte et de l'aborder les dents serrées... On crie de joie de la voir dépasser tout le monde en descente ou sur le verglas, ou lors de ces enivrants déboulés de col, le toit découvert au vent de la course.
Sa meilleure pub commence à apparaître, véhiculée par les anecdotes de ses propriétaires. Ainsi, on sourit de l'insouciance de ce père tranquille qui a fait Nice-Paris en seconde, comme il avait démarré! Ou alors Mr Coulet, hôtelier en Camargue, qui a parcouru 100 000 kms sans faire de vidanges, se contentant de temps en temps de faire l'appoint.
La voiture ne manque pas de personnalité, et beaucoup de propriétaires l'affublent d'un surnom affectueux. "Rossinante" est un classique...
Les photographes et dessinateurs donnent à la 2CV son image culturelle. Les publicitaires prenaient des dessinateurs et photographes pour exalter sa différence, en montrant que ce minimum automobile est plus qu'une voiture, c'est une bonne à tout faire, une amie de la famille, une façon de vivre, un supplément d'âme.
Mais très vite, elle poursuivra son parcours culturel dans les oeuvres de dessinateurs humoristiques comme Sempé, Avoine, Franquin, Roba (Boule et Bill), Hergé...
Elle envahit aussi le 7eme art. Plutôt dans des films comiques, comme la série des gendarmes à St Tropez, avec une religieuse myope et délurée à son volant, ou dans des films plus internationaux, comme dans le James Bond "Rien que pour vos yeux".
Enfin, elle passe de temps en temps à la télé avec des reportages, des jeux comme "Intervilles", ou des émissions comme "Incroyable mais vrai", où l'on voit 45 enfants prendre place dans une 2CV fourgonnette.
C'est l'Aventure avec un grand A que lui fera connaître toute une génération d'après-guerre. En effet, pendant la guerre, les adolescents ont rêvé de s'évader des frontières de l'occupation et de la guerre. La paix revenue, mais les restrictions toujours en place, les voyages devaient être à coût accessible. La 2CV, robuste, pratique, facile à réparer, économique et, de surcroît, confortable, ne pouvait que réunir tous les suffrages des aventuriers en herbe sans moyens.
En 1952, Michel Barnier est le premier à partir. En 1953, Jacques Cornet parcourt 51000 km en 367 jours à travers trois continents. En Bolivie, il bat le record d'altitude en automobile en faisant grimper sa 2CV à 5420m d'altitude. Il traverse 7 déserts.
Jacques Séguéla, le publicitaire, fait le tour du monde avec sa 2CV. Il en tire un livre, "la terre en rond", qui deviendra un best seller et provoquera un engouement nouveau pour l'aventure en 2CV. En 1957, devant le lancement croissant d'expédition, le service de presse et des relations publiques Citroën inaugure le prix du tour du monde en 2CV, attribuant un prix annuel aux meilleures expéditions.
Beaucoup de jeunes sont partis dans ces années au volant de leur 2CV pour découvrir un monde encore inconnu, où les moyens de communication ne sont plus ceux d'aujourd'hui.
Pierre Boulanger avait dit "pas plus vite qu'un cheval" pour définir la vitesse maximale de la 2CV. Pourtant, ils sont plusieurs à braver cet interdit et à s'engager dans des rallyes, comptant sur la fait que la tenue de route compensera le manque de puissance du moteur. En 1955, une 2CV gagne le classement général du rallye de Madagascar.
Depuis 1985, se courent les "24 heures 2CV" sur le circuit de Francorchamps, en Belgique. La Belgique compte beaucoup d'inconditionnels de la 2CV et de ses dérivés, et peut à ce titre être considérée comme la deuxième patrie de Citroën.
En 1983, on peut voir une 2CV à vent, pourvue de voiles, avancer sur les plages.
Le bitume, la terre, le sable, ne suffisaient plus à la 2CV, avide de terrains inconnus. C'est ainsi que l'on vit de partout, à partir de 1983, des courses de 2CV aquatiques (appelées AquaDeuch) se dérouler chaque année.
Stimulant les imaginations, il ne restait à la 2CV que l'élément d'Icare à fouler. En 86, un ingénieur lui met des ailes et parvient à la faire voler. Huit jours plus tard, c'est déjà un hydravion ! En 87, à la fin de la coupe du monde de ski nordique, une 2CV est lancée sur le tremplin olympique et fait un saut de 70 mètres.
De nombreux exploits sont encore à son actif, qui sont repris par les médias et auxquels assiste un public nombreux. Elle devient un mythe vivant. Chacun la met à sa mesure, elle est polymorphe. On la recolore à son goût, on bricole son chassis et son moteur, on modifie la carrosserie dans les versions les plus folles et imaginatives.
Les concurrentes de la 2CV sont les Renault 4 et 4CV et la Wolkswagen Coccinelle.
La Coccinelle n'a fait une réelle apparition sur le marché Français qu'à partir du milieu des années 60, fortement aidée par la publicité des films Disney, comme "la Coccinelle à Monte-Carlo". Elle a par contre une renommée universelle, forte de 22 millions d'exemplaires.
La concurrence de la régie Renault est plus déloyale. Dès le début de la guerre, en 1940, une équipe de Renault entreprend l'étude d'une voiture populaire, afin d'imiter la 2CV de 1939. En 1945, Renault sort la 4CV, alors que Citroën n'a même pas de quoi sortir en production sa 2CV. En 1961, la production de la 4CV est arrêtée, et la régie lance la 4L. Citroën accuse la régie d'avoir honteusement copié la 2CV, et notamment plusieurs solutions techniques innovantes de la 2CV. Le levier de vitesse au tableau de bord, le siège arrière démontable, ... permettent aux vendeurs Renault de dire aux clients que leur 4L est la même chose qu'une 2CV. Les publicités Renault de l'époque aussi cherchent à mélanger dans l'inconscient collectif les deux voitures, en reprenant pour sa 4L des publicités ressemblant à celles de sa concurrente.
Ils s'approprient ainsi l'image qu'a dévellopé la 2CV, dégradant au passage l'image des deux voitures car la 4L est bien moins amusante.
C'est aujourd'hui que l'on voit que la régie n'a jamais réussi à copier le côté humain et sympathique de la 2CV. Si les clubs 2CV fleurissent dans toutes les régions du monde, il n'existe aucun club de R4.
La 2CV est une auto devenue culte, symbole d'un style de vie. Modeste dans ses ambitions, elle a vécu mille aventures.
La 2CV était maintenant célèbre. De nombreux dérivés (les Amis 6 et 8, les fourgonnettes, les Dyanes) avaient déjà été créés à partir de sa plate-forme multi-usage, et s'étaient eux aussi taillés leur propre réputation (l'Ami 6 symbole des Sixtie's). Ces dérivés avaient surtout amélioré le confort et les performances de la 2CV, mais il restait encore à en créer un plus amusant encore...
Souvent surnommée la "Jeep française", la Méhari tient en effet de l'Américaine des formes carrées et un look tout-terrain, tout le contraire de la 2CV. Comme elle, elle se prête bien aux routes cabossées... de la Promenade des Anglais à Nice, ou aux ballades dans l'arrière pays.
En 1967, trois hommes s'attellent à la réalisation d'une idée: poser sur une plate-forme existante des panneaux de carrosseries en plastique soutenus par un chassis tubulaire*. Le plastique apporte plusieurs avantages (teinté dans la masse donc résistant aux branches des petits chemins, ne rouille pas, revient en place après des petits chocs, léger). Les éléments plastiques sont au nombre de 11 afin de simplifier le processus de fabrication. La plate-forme sera celle de la 2CV, celle de la R4 ne convenant pas. Le prototype fut présenté à Citroën qui en accepta la commercialisation sous son nom.
Le concept initial est inspiré de la Mini-Moke, petite Jeep tirée de l'Austin Mini. Mais très vite, il s'avère que la Méhari la surclassait dans beaucoup de domaines, et empiétait sur plusieurs autres segments*, ce qui en faisait une auto inclassable. Il existait une très forte attente du public, si bien que 12 500 commandes étaient passées avant même la première livraison.
Si la voiture est surtout un utilitaire à l'origine, très vite sa vocation première sera détournée vers le véhicule de loisir. On peut en effet rouler dans une grande variété de combinaisons: véhicule entièrement clos, version plage (sans porte ni panneaux latéraux, avec ou sans le toit), version pick-up* avec juste les deux places avant fermées, et enfin version roadster*, c'est à dire sans porte, sans toit, sans pare-brise... La banquette arrière rabattue permet une capacité de chargement impressionnante par rapport à la taille de l'engin.
Véritable caméléon, ce cabriolet-utilitaire s'adapte aux besoins de tout un chacun, jusqu'aux dandy parisiens recherchant une voiture originale. Il est en effet difficile de passer inaperçu au volant de l'engin, ne serait-ce que par les couleurs vives et acidulées qu'elle arbore.
L'image est saisissante et reste gravée dans l'inconscient collectif: le baba cool soixante-huitard et ses cheveux longs se réfugiant sur les reliefs de l'Ardèche ou sur le plateau du Larzac au volant de sa Méhari repeinte avec de grosses fleurs psychédéliques. Peut-être même est-ce l'image fournie par le service publicité de Citroën lors du lancement de la Méhari, avec la Méhari surnommée "Baba-cool".
Ce lancement fut une première pour le service marketing. Plusieurs journalistes furent invités à la présentation de la Méhari au golf de Deauville, le 16 mai 1968. Pas moins de 8 Méharis, chacune dans une configuration différente (Méhari baba-cool, plage, pompier, safari-chasse, armée, campagnarde, golf, belle des champs) et conduite chacune par deux jolies mannequins se ressemblant comme deux gouttes d'eau et habillées en accord avec leur voiture. Les journalistes purent ensuite essayer les possibilités tout-terrain de la voiture, et il fallut freiner les ardeurs de quelques uns trop enthousiastes. Ce lancement fut un fiasco médiatique, à cause des événements de mai 68. Mais au lieu d'en parler un mois, les journaux parlèrent de la Méhari pendant plusieurs mois, et son image fut associée à cette nouvelle liberté revendiquée par la jeunesse.
La Méhari est aussi une grande voyageuse. Déjà de grandes traversées se font à son volant, dans les traces de son aînée la 2CV. En 1970, le service relation clientèle lance les premiers grands raids avec le Paris-Kaboul-Paris, dans une course rassemblant 500 2CV et dérivées, choisies parmi 1300 demandes. Bon nombre de Méhari y participent. Les horizons lointains ne lui font pas peur, et elle a même de meilleures capacités de franchissement que la 2CV. Ces expéditions sont assez médiatisées et constituent un engouement supplémentaire.
La Méhari est aussi une sportive. Le 2CV cross, stock car de Méhari et 2CV sur des pistes défoncées au bulldozer, débutera en 1972, d'abord en France, puis en Europe, puis un peu partout dans le monde, jusqu'en Argentine. Ce spectacle, passionnant à regarder et offrant des sensations bon marché aux participants, popularise la Méhari en la montrant dans des situations extrêmes.
La Méhari a subi elle aussi les assauts de la concurrence, notamment d'une certaine Renault 4 plein air, une 4L découpée à la va vite à la disqueuse ... sortie quelques jours après la Méhari. Depuis 1964, la Mini Moke était la seule voiture loisir. Les capacités de tout-terrain de la Méhari la feront déborder sur plusieurs autres segments*, comme celui des utilitaires, des tout-terrain, du cabriolet-frime. La Méhari a su créer un créneau* dont elle reste la reine incontestée, même vis-à-vis des voitures qui l'ont suivie, comme l'actuelle Méga.
Ce qui a fait son succès dans le début des années 70, c'est sa légèreté, sa maniabilité et sa commodité. Inspirée de la Dyane, et bénéficiant donc de moteurs plus évolués que la 2CV, elle garde un appétit d'oiseau, tout en laissant sur place son ancêtre. Crise du pétrole de 73 oblige, c'est en 1974 qu'il se vendra le plus de Méhari.
A l'opposé de son image "Peace and Love", l'armée s'emparera elle aussi de ce symbole, et en commandera 10 000 exemplaires. Beaucoup d'appelés découvriront ainsi cette voiture et sauront passer agréablement, à son volant, les moments donnés à la nation. Ils testeront sa résistance avec la légendaire attention que portent les bidasses vis-à-vis du matériel militaire... et deviendront de futurs fans de la voiture. Son passage dans la gendarmerie, ainsi que son rôle à part entière dans le film "le gendarme et les extra-terrestres" en 1983 suivi du "gendarme et des gendarmettes" (dernier film de Louis de Funès) contribueront à sa popularité.
La Méhari doit aussi son succès dans son stylisme. Si son aspect choque au premier abord, elle a un petit côté humain qui la rend attachante. Les stylistes de Renault ont repris maladroitement le dessin de la Méhari sur leur Rodéo... qui semble laide sans rien pour rattraper ce défaut. Les acheteurs ne s'y sont pas trompés.
Enfin, c'est le chassis de la 2CV, formidable outil pour qui veut créer soi-même une voiture originale. Ce chassis fut utilisé pour de nombreuses transformations, dont beaucoup ne dépassèrent pas le stade de l'unique exemplaire. Sa conception en plate-forme permettant de poser dessus sans contrainte n'importe quelle carrosserie, son moteur sans radiateur à faible encombrement, ses suspensions plus qu'éprouvées, sa simplicité et fiabilité mécanique en font encore aujourd'hui le rêve de n'importe quel bricoleur, amateur ou professionnel.
C'est cette simplicité mécanique et le grand nombre de Citroën ayant le chassis de la 2CV (7 millions d'exemplaires produits) qui fait qu'aujourd'hui toutes les pièces se retrouvent facilement, et qu'il n'en coûte que 30 000 francs pour refaire à neuf une Méhari. Son prix de vente relativement élevé (jusqu'à 100 000 francs pour une des 1000 Méharis 4X4 produites) lui assure encore une longue vie sur nos routes, loin des casses dont nombre de méharis se sont échappées ces dernières années.
Les images sont changeantes. Il suffit d'une minute pour détruire une réputation que l'on a mis 40 ans à construire.
Si lors de son lancement Citroën la destinait à un usage utilitaire, les utilisateurs ont vite compris le côté loisir que l'on pouvait en tirer. Le constructeur les a suivis et a ajouté à ses publicités vantant sa capacité de chargement les images d'un couple de hippies roulant sur une plage déserte. Son faible coût d'entretien en faisait une voiture de jeune.
Cette image de faible consommation d'essence est restée longtemps attachée à la voiture, jusqu'à la fin des années 80, alors que l'on construisait des moteurs plus performants et moins gourmands depuis une dizaines d'années déjà.
Son image de paix associée aux baba-cool n'a pas pâti de son utilisation militaire. Elle ne servait pas d'engin meurtrier, mais de liaison radio, de secours aux blessés, ...
L'image que Citroën avait à l'époque est restée attachée à la Méhari, alors que les Citroën d'aujourd'hui n'en bénéficient plus. A partir des années 1966, avec le lancement de la R16, c'est Renault qui a progressivement récupéré l'image qu'avait Citroën au niveau de l'innovation conceptuelle (nouvelle façon de penser l'automobile) et de la notion de l'art de vivre (beaucoup pense que si Citroën n'avait été racheté par PSA, le monospace et la Twingo aurait été des Citroën). Citroën garde malgré tout l'image de l'avance technologique, notamment avec l'essieu arrière autodirectionnel* des ZX, la suspension hydropneumatique* des Xantia et XM, attachée à la notion de confort, et la Dynalto* de la Xsara, notion d'économie d'énergie.
Dans les années 80, avec le lancement de la Méhari Azur, Citroën ne misait plus que sur le coté ludique de l'engin, dans cette version destinée à la plage. Mais le constructeur ne fait plus guère d'effort pour vendre ses 2CV et Méharis, ses deux derniers modèles utilisant la désormais célèbre plate-forme rebondissante qui équipait la majorité de la production Citroën des années 70. La qualité de fabrication est telle que les dernières 2CV de 90 sont vendues neuves avec des amorces de corrosion sévère, et il n'est pas rare de voir le chassis plier en deux au bout de cinq ans. Rien de tel pour casser une image...
Aujourd'hui, la Méhari bénéficie d'un capital sympathie très fort. Comme la plupart des anciennes voitures populaires, c'est tout un passé qui resurgit quand on la croise, des anecdotes amusantes à raconter. Elle a le double statut de voiture de collection et de voiture avec laquelle on roule tous les jours. En effet les défauts propres à la voiture (corrosion, allumage mécanique, ...) ont maintenant des remèdes connus qui facilitent la vie de tous les jours. Et la mécanique est tellement solide qu'on a l'impression qu'elle nous emmènerait jusqu'au bout du monde, ce qui rassure même les plus angoissés des conducteurs.
Ce qui fait aujourd'hui de la Méhari une voiture très recherchée est sa relative rareté (on estime qu'il en reste 70 000 encore en circulation dans le monde), et le fait qu'une telle voiture ne pourra plus jamais être homologuée, normes de sécurité draconiennes obligent. En effet, comment imaginer à notre époque d'airbags latéraux* et de prétensionneurs de ceinture*, une voiture carrossée de fragile plastique, et qui n'a ni portières ni ceintures. Une fois rabattu le pare-brise, le point culminant se trouve être le volant, soit 50 bons centimètres en dessous des cheveux au vent... Mais le risque de renversement avec une Méhari est, il est vrai, extrêmement limité, tant la voiture colle à la route. Ce manque de protection enlève toute agressivité à la voiture et tranche avec les voitures modernes où l'on se sent invulnérable et parfois un peu supérieur. La Méhari ramène à l'humilité et à l'insouciance, bien qu'elle ne rechigne pas à une conduite un peu "musclée", mais toujours sans rien de prétentieux.
Aujourd'hui, la Méhari rappelle une notion que les automobilistes modernes ont oubliés: le voyage. En effet, si les voitures d'aujourd'hui sont de formidables engins pour se rendre rapidement d'un point à un autre dans le plus grand confort, le voyage en lui-même n'existe plus. L'uniformité autoroutière efface plaines et montagnes, monuments et villes traversées. La Méhari préfère prendre son temps sur les départementales ou les sentiers, découvrir au détour d'un chemin mulatier à flanc de falaise un paysage oublié, visiter les villes traversées, entendre les cigales à Montélimar plutôt que les entendre une fois arrivé à Marseille. Elle permet de découvrir des produits régionaux débusqués dans une petite ferme, de rencontrer les personnages du cru, la Méhari rendant en général les gens sociables. Cette voiture ramène à une conception de l'automobile qui n'a plus tellement cours dans notre civilisation.
A la fin des années 60, la 2CV était la voiture évasion par excellence. Mais l'évolution des moeurs poussait encore à aller plus loin encore dans la liberté absolue. CITROËN l'a fait et a réussi avec la Méhari un formidable véhicule de loisir. On ne peut que regretter que la Méhari Super avec un moteur quatre cylindres n'ait jamais vu le jour, ce qui aurait pallié au seul défaut de la voiture, le manque de puissance. Malgré cela, la voiture continue de donner des sensations uniques à ses utilisateurs, et n'a pas fini de faire parler d'elle.
L'image que le public associe à une voiture a des origines complexes et nombreuses.
Dans le cas de la Citroën Méhari, l'image que possède la voiture vient de très loin dans le passé. C'est tout d'abord le génie d'un homme, André Citroën, dans les domaines de la communication et de la prise de risque, qui aura permis à son entreprise de faire des créations novatrices, évoluées et anticonformistes. C'est ensuite une période propice, une libération des moeurs, des parfums de liberté et une voiture intemporelle qui redéfinit l'automobile et va à contre courant de ce qui se fait alors, la 2CV, entraînant et entraînée par une nouvelle génération. C'est enfin une voiture hybride et polyvalente, remarquablement en adéquation avec le mouvement de son époque, la Méhari.
C'est pourquoi la représentation populaire de la Citroën Méhari est un cumul de plusieurs images successives:
Ce nom représente le prestige, le fleuron français (la Traction, la DS) et l'innovation technologique. | C'est un dérivé de la 2CV. La 2CV est une voiture populaire sympathique, notion de bonheur simple, robuste et bonne à tout faire. | La Méhari est un véhicule polymorphe, synonyme de plaisir et de liberté, symbole d'un esprit Seventie's. |
Pourquoi les 2CV et dérivés engendrent un tel engouement? Parce que la voiture semble vivante. Le moteur hurle dans les tours, s'époumone dans les montées, mais nous semble toujours vaillant. Elle hoquette à froid, elle chaloupe sur les nids de poule, elle tangue dans les virages... Elle a de la personnalité et par là y gagne une âme.
Les voitures modernes semblent vouloir tout effacer des aspérités de la route, sont discrètes sur le travail fourni par leurs éléments mécaniques. Il est plus difficile de s'y attacher sentimentalement. L'avenir nous dira si les voitures actuelles acquerront l'aura des anciennes d'aujourd'hui...
Airbag : Coussin de protection se gonflant instantanément en cas d'accident.
Chassis tubulaire : Le chassis est composé de tubes soudés entre eux. On y gagne un allègement de la structure.
Créneau : Notion similaire au segment de marché. Il a une notion plus restreinte (par exemple le créneau des ordinateurs professionnels de traitement graphique et celui des ordinateurs professionnels de traitement de texte).
Dérivé : C'est le nom que l'on donne à toutes les voitures équipées du chassis (c'est à dire les roues, la plate-forme et le moteur) de la 2CV. Ce ne sont pas forcément des Citroën.
DS : Citroën sortie en 1955, et qui reste dans l'inconscient collectif comme la référence de confort et de modernisme absolu, malgré l'arrêt de la production en 1975.
Dynalto : Système préfigurant la double motorisation essence-électrique, permettant de réduire la pollution en ville et les vibrations du moteur.
Essieu arrière autodirectionnel : système permettant un meilleur contrôle de la trajectoire en virage.
Etude de marché : Avant de lancer un produit, on vérifie si le produit aura des acheteurs, quels critères lui seront demandés, le type et la quantité des clients.
Jeep : Véhicule militaire tout-terrain de la seconde guerre mondiale, créé par les Américains.
Mécanique : Terme générique englobant le moteur, la boite de vitesses, le pont et les éléments de suspension et de direction.
Pick-up : Voiture utilitaire constituée d'une cabine contenant les places assises et d'un plateau de chargement appellé benne à l'arrière.
Plate-forme : Armature soutenant les trains roulants (éléments de suspension et roues), le moteur et la carrosserie d'une voiture. Ce type de construction permet à partir d'une même plate-forme de créer plusieurs modèles d'apparences extérieures différentes.
Prétensionneur de ceinture : Dispositif resserrant la ceinture de sécurité en cas d'accident.
Roadster : Voiture de sport ne possédant qu'un embryon de pare-brise, et sans toit. Ces voitures sont en général très basses.
Segment : Il s'agit d'un segment de marché, c'est à dire la catégorie à laquelle appartient le produit (par exemple, le segment des ordinateurs familiaux et celui des ordinateurs professionnels).
Service Marketing : Service chargé de la promotion des modèles du constructeur et d'améliorer le produit afin d'augmenter les ventes.
Suspension hydropneumatique : Type de suspension spécifique à Citroën et à certaines Mercedes haut de gamme, permettant une meilleure tenue de route de la voiture tout en préservant le confort.
La Citroën Méhari de mon père , François Allain et Jean-Marie Defrance
Collection ETAI, 1996
Ici commence l'aventure, édité par les relations publiques Citroën
La 2CV, nous nous sommes tant aimés, Jacques Wolgensinger
Gallimard
André Citroën, Jacques Wolgensinger
Flammarion
Pour écrire cette page, je me suis servi des livresLa 2CV, nous nous sommes tant aimés et La Méhari de mon père pour accéder aux différentes publicités sorties par CITROËN sur ces modèles.
Les diverses informations proviennent de nombreux articles lus par ci par là, les plus récents provenant des magazines Gazolines et Rétro-Collection, ainsi que des magazines de divers clubs, et d'un article paru dans le magazine du 14/5/98. Les documents d'époque sont aussi des sources d'informations interressantes.
Le reste provient de ma culture personnelle, c'est a dire articles lus dans ma jeunesse, reportages télé, anecdotes entendues lors de rassemblements, discussions de comptoirs...
La documentation sur la Méhari est assez rare. Seules la Revue technique automobile sur les Dyanes et Méhari de 1968, ainsi que La Méhari de mon père paru 28 ans plus tard en sont les documentations "publique".
Le dessin de couverture vient de la Revue technique automobile, les photographies de La Méhari de mon père.
Moteur: 2 cylindres opposés à plat, refroidis par air. 602 cm3 de
cylindrée, puissance de 26 ch (DIN) pour un couple de 4,4 m.kg (DIN),
carburateur simple corps
Transmission: Roues avant motrices, boite 4 vitesses
Freins: 4 freins a tambours (les 2 freins avant en sortie de boite)
Structure-carrosserie: Chassis plate forme à longerons, carrosserie en
ABS
Suspensions: 4 roues indépendantes a interaction avant-arrière.
Amortisseurs à friction à l'avant et hydrauliques à l'arrière. Un batteur
à inertie par roues
Performances: vitesse max: 101,7 km/h. puissance fiscale: 3CV.
Consommation: 5,5 à 6 litres aux 100km. 1000 mètres départ arrêté: 46
secondes
Dimensions, poids: longueur 3,50 m; largeur 1,53m; poids à vide 525kg;
charge utile 400 kg
Moteur: Carburateur double corps, puissance de 29 ch (DIN)
Freins: Freins à disque à l'avant (en sortie de boîte) et à tambours
à l'arrière. Double circuit de freinage. Frein de secours et de stationnement
sur les roues avant
Suspensions: 4 amortisseurs hydrauliques
Performances: vitesse max de 106 km/h; consommation: 6,9 à 7,5 litres
aux 100 km
Poids: poids à vide: 555 kg; charge utile: 380 kg
Transmission: 4 roues motrices, boîte 7 rapports avant comprenant un
réducteur et un crabotage de l'arbre de transmission vers les roues arrière.
Pont arrière suspendu avec blocage manuel du différentiel
Freins: 4 freins à disques avec témoin d'usure de plaquettes. Double
circuit de freinage avec répartiteur de freinage arrière
Structure: Chassis plate-forme à longerons incorporés permettant le
passage dans son milieu de l'arbre de transmission vers les roues arrières
Suspension: Bras de suspension renforcés